sur France Musique, c'était dimanche 20 Janvier 2013.
2ème PARTIE
Citation de
Jacques Prévert :
Les peuples sont liés par les liens sacrés du carnage.
Chansons : Nathalie Solence, Elizabeth...Yvan Dautin.
SCIENCE SANS CONSCIENCE…
Quand Rabelais lance cet avertissement, il veut éviter que
la louable curiosité pour la découverte, l’envie naturelle de savoir, la
passion pour la recherche scientifique et ses dérivés, ne soient fondées sur la
conscience.
Cette « conscience » se présente sous deux
formes : d’une part, il s’agit, pour l’aspirant chercheur ou le savant
déjà modelé, de s’assurer de ses connaissances, de conforter son expérience et
d’aiguiser sa lucidité. D’autre part, la « conscience », c’est l’honnêteté
intellectuelle, le sens moral, le respect de la dignité de
l’ « autre », et plus particulièrement de ceux qui, directement ou non,
bénéficieront ou supporteront les
effets des produits de la Science.
Justesse et Justice, tels sont les attributs de la
conscience. Elle même pilier de la Science.
Un article sur deux pages, publié dans le supplément
« Science et Techno » du journal Le Monde, et intitulé
« Alterscience, des savants dévoyés » et dont il est fait la
recension, illustre le fossé qui, 500 ans plus tard, sépare Rabelais et sa
conception de la Science, de celle de l’historien des sciences Alexandre
Moatti, qui vient de publier un ouvrage
intitulé « Alterscience. Postures, dogmes et idéologies ».
La lecture de ce texte, sorte de pamphlet simpliste contre
ceux qui, à tort ou à raison, mettent en cause la « Science »
officielle est surprenante, de la part d’un auteur qui se réfère à la rigueur
des principes et à la solidité de la méthode ee scientifiques. Ni la science et
encore moins la conscience ne sont au rendez vous. Même un simple
« historien » des sciences
n’aurait pas du l’oublier.
UNE ANALYSE PLEINE DE RAISON ET DE SCIENCE.
Mon
« propos », dit l’auteur, n’est pas d’exposer en quoi ces
« savants dévoyés » ont « tort ». Mais, même si je ne sais
pas ou ne veux pas vous dire s’ils ont raison ou tort, je vais vous démontrer
scientifiquement en quoi ce dévoiement les a conduit « au déni et à la
radicalité » Comment peuvent-ils effectuer des « plongées
nauséabondes infectées par l’aigreur et les vitupérations nationalistes ou
antisémites des scientifiques ». Bien que refusant d’étudier la validité
ou la justesse des théories des gens qu’il critique, l’auteur n’hésite pas à
parler de « science altérée, déformée » par ses auteurs. Cette
« Alterscience s’en prend au camp d’en face », ajoute t il. Et puis
vient l’accusation imparable : Certains de ces « dévoyés »
appartiennent à «l’Ultra gauche » ou à « la mouvance anarcho
gauchisante ». Ils « s’en prennent à la Science dans son
ensemble ». Leurs motivations
ne sont plus seulement « scientifiques, mais politiques et
idéologiques ». Ils ont la « haine de l’abstraction, des équations,
de la théorie contre la pratique ». Leur « délire » va jusqu’à
provoquer chez eux une « certaine méfiance des Technologies », tels
les associations « Oblomov » et « Pièces et Main d’œuvre ».
« Réceptifs aux théories du Complot, têtus, » ils ne peuvent
qu’ « échafauder des constructions intellectuelles toujours plus
bancales ». Pour eux « la science n’est que prétexte à une construction idéologique, souvent
radicale, sectaire, anti démocratique ».
UN VRAI SCIENTISTE.
« …la
science, comme une manière de faire avancer la connaissance, est un humanisme.
En ce sens-là, je me revendique « scientiste » et regrette que cette
notion apparaisse de nos jours si négative ». Ainsi , Alexandre
Moatti répond-il à la
question « L’alterscience est-elle dangereuse ? », après avoir
affirmé que « derrière ces groupes » se cache « une négation de
la démarche scientifique elle même ». L’auteur a-t-il fait « avancer
la connaissance », en affirmant, une fois de plus sans exemples précis à
l’appui, que tous ceux qui critiquent la science officielle et les technologies
qu’elle induit à l’aveugle et sans morale, nieraient la démarche scientifique
elle même ? Les « créationnistes », englués dans leur substance
divine, voudraient bien que leurs croyances métaphysiques charlatanesques
soient reconnues par la science officielle. Sont-ils pour autant un danger
pour cette science ? Bien au contraire, s’ils étaient admis dans le
cénacle, ils renforceraient le « camp » des adeptes du Scientisme.
Lorsqu’on
interroge le dictionnaire historique « Robert » sur le sens et le
contenu du mot « scientisme », on comprend mieux la position de A.
Moatti, également président de l’association des amis de la bibliothèque de
l’École Polytechnique, et son combat.
« Scientisme » : … terme dépréciatif
désignant un mouvement d’après lequel la connaissance scientifique permet de
résoudre tous les problèmes philosophiques. Cet emploi est en rapport avec
« positivisme ». « …
Si le positivisme préconise un agnosticisme critique assez scientiste, le
positivisme d’Auguste Comte a évolué vers un mysticisme
idéologique ».
La « science » de l’auteur de ce livre, inspirée
par le militarisme de Polytechnique, « ne veut voir qu’une seule
tête ». Les dissidents sont à abattre. Ils ne sont pas dans
le « camp » de l’ordre. Vieux jeux, ils sont « inspirés par
des penseurs à la mode des années1970, tels que Jacques Ellul ou Ivan Illich ».
On ne touche pas aux théories qui ont de l’âge. Cette « posture »
soldatesque, ce « dogme » de l’ordre scientifique établi s’accompagne
d’une forme religieuse de sacralisation de la science. Les fondements de la
science, le doute, l’expérience et la remise en cause permanente des interprétations
des résultats ont disparu de l’horizon limité de l’auteur ou, bien pire, ne
sont devenus que des abstractionsvidées du réel. Le grand prêtre de
l’humanité, Auguste Comte, lui aussi religieux de l’ordre établi peut se
frotter les mains. Il a un adepte convaincu. A la question « Comment
s’opposer à ces groupes », l’auteur répond, entre autres lieux
communs : « On peut surtout rêver d’un pacte de confiance entre
citoyens et scientifiques, pate exigeant et réciproque, visant l’avancée de la
connaissance… ». Peut être le « citoyen », pour accroitre sa
connaissance, souhaiterait être informé des réalisations pratiques induites par
la science et des conséquences sur son mode de vie et celui de la Société dont
il est membre ? Mais la libre parole des scientifiques est un leurre. Comme
les journalistes, ils sont, complices ou non, les suppôts du maintien de
l’injustice économique et sociale, par le biais du seul objectif qui guide
l’organisation capitaliste : le profit.
Alors, pour les Moatti et consorts, il importe de maintenir
le « citoyen » dans l’ignorance, par le biais d’un pacte de
confiance. Comme le dit Paul Léautaud, « la confiance est une forme de la
bêtise ». Faisons
confiance aux scientistes pour entretenir la sottise. Endormir l’esprit
critique, étouffer la pensée en promouvant la croyance et le sacré, qu’il soit
mystique ou faussement scientifique, telles sont les tâches des valets du
pouvoir.
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